L'apport indéniable du Christianisme
La difficulté de faire apparaître l'originalité du christianisme en morale et que son message culturel est assimilé par beaucoup qui en vivent sans en soupçonner l'origine religieuse. Les apports du christianisme sont pourtant nombreux : liberté, égalité, fraternité, laïcité, droits de l'homme, émancipation de la femme.
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Les deux mondes
Pour le chrétien, le philosophe, le moraliste ou l'historien, le tombeau de JésusChrist est la borne qui sépare deux mondes, l'ancien et le nouveau ; c'est le point de départ d'une idée qui a renouvelé l'univers, d'une civilisation qui a tout transformé, d'une parole qui a retenti sur tout le globe : ce tombeau est le sépulcre du vieux monde et le berceau du nouveau monde ; aucune pierre ici-bas n'a été le fondement d'un si vaste édifice ; aucune tombe n'a été aussi féconde ; aucune doctrine n'a donné un démenti à la mort par une résurrection si éclatante !
Jésus-Christ
Jésus vit lui-même et appelle ses disciples à vivre une attitude fondamentale qui est marquée d'une part par le refus de la peur, de l'avarice, du souci, de la chicane procédurière et d'autre part, par l'invitation à faire confiance, à donner et pardonner, à entrer dans la gratuité et la générosité sans limite, à l'image de Dieu qui distribue soleil et pluie sur les bons et les méchants (Matthieu 5 : 44-45) ou du semeur qui sème sans compter sur les terrains, même les plus arides (Luc 8 : 4-8). Il apprend au disciple que c'est en perdant sa vie qu'on la gagne, en affrontant la mort qu'on entre dans la vie. Il ne se contente pas d'enseigner comme un théoricien ou un doctrinaire, il épouse lui-même ce mouvement de générosité au point d'accepter la mort dans la certitude que le Dieu de vie et d'amour est capable de vaincre la mort. Les Béatitudes invitent à une attitude de générosité sans limite.
La civilisation chrétienne et la science
La politique d'exploration audacieuse reflète l'extraordinaire ébullition intellectuelle qui caractérisa la société européenne à partir du XIIIème siècle et qui se manifesta par la fondation d'universités : Bologne, Padoue, Paris, Oxford, Prague et beaucoup d'autres. Ces universités, qui acquirent très vite leur autonomie à l'intérieur d'une juridiction d'Eglise, formaient à travers l'Europe un réseau d'échanges, les étudiants comme les enseignants n'hésitant pas à passer de l'une à l'autre, d'autant plus que l'enseignement se donnait partout dans la même langue, le latin. En 1500, on comptait en Europe plus de cinquante universités. Il existait alors vraiment une intelligentsia européenne au sein de pays qui, bien qu'indépendants, partageaient la civilisation chrétienne.
La société européenne du milieu du deuxième millénaire possédait donc non seulement les fondations nécessaires pour édifier la science moderne, comme la chine, mais elle avait un véritable élan vital, pour reprendre Bergson, qui la portait à la conquête du monde qu'elle voulait emplir et soumettre, en suivant les instructions de son Créateur. Elle croyait surtout que ce monde était rationnel et intelligible mais qu'il n'était pas prédéterminé. Dieu avait donné à l'homme la possibilité d'en démonter les mécanismes à condition qu'il eût suffisamment de modestie et de minutie pour observer avec soin les phénomènes et les mesurer, s'émerveillant en déchiffrant le livre de la nature, de la beauté de son écriture en langage mathématique. Désormais, la science pouvait constituer un corpus de connaissance autonome, détaché de toute cosmologie ou représentation du monde. Duhem a mis en évidence au début du XXème siècle, l'importance de la science médiévale chrétienne et le rôle jusqu'alors ignoré qu'elle avait joué dans l'émergence de la science moderne.
La liberté
Le texte fondateur de la mission de Jésus est celui de sa première prédication à Nazareth, au début de sa vie publique, vers l'an 27 : « On remit à Jésus le livre du prophète Isaïe et, déroulant le livre, il trouva le passage où il était écrit : l'Esprit du Seigneur est sur moi, parce qu’il m’a consacré par l’onction, pour porter la bonne nouvelle aux pauvres ; Il m’a envoyé annoncer aux captifs la délivrance et aux aveugles le retour à la vue, renvoyer en liberté les opprimés, proclamer une année de grâce du Seigneur. Il replia le livre, le rendit au servant et s’assit. Tous dans la synagogue tenaient les yeux fixés sur lui. Alors il se mit à leur dire : Aujourd'hui s’accomplit à vos oreilles ce passage de l'Ecriture. Et tous lui rendaient témoignage et étaient en admiration devant les paroles pleines de grâce qui sortaient de sa bouche. » (Luc 4 : 16-22). Ceux qui suivaient Jésus étaient principalement des pauvres, des petits et des exclus. La grande liberté que Jésus manifestait vis-à-vis des préceptes les plus contraignants de la religion juive de l'époque fut à l'origine de l'intégration des nonJuifs par ses disciples.
« Nous sommes destinés à entrer dans la liberté de la gloire des enfants de Dieu » (Romains 8 : 21) ; « Où est l'Esprit de Dieu, là est la liberté » (2 Corinthiens 3 : 17) ; « Vous en effet, mes frères, vous avez été appelés à la liberté ; seulement, que cette liberté ne se tourne pas en prétexte pour la chair ; mais par la charité mettez-vous au service les uns des autres. Car une seule formule contient toute la Loi en sa plénitude : Tu aimeras ton prochain comme toi-même. » (Galates 5 : 13).
L'égalité
« Il ne s'agit point, pour soulager les autres, de vous réduire à la gêne ; ce qu'il faut, c'est l'égalité » (2 Corinthiens 8 : 13).
Alors que l'accès aux temples est largement réservé aux hommes. Les assemblées chrétiennes seront toujours mixtes. Les esclaves et les servantes chrétiennes sont traités en frères et sœurs, comme leurs maîtres. Le principe évangélique de l'égalité de l'homme et de la femme, ne sera jamais remis en cause. L'un et l'autre, baptisés dans le Christ, sont sans distinction, devenus hommes nouveaux. « Il n'y a ni Juif, ni Grec, il n'y a ni esclave, ni homme libre, il n'y a ni homme ni femme, car tous, vous ne faites qu'un dans le Christ Jésus » (Galates 3 : 28).
La fraternité
« Ne vous faites pas appeler Maître, car vous n'avez qu'un Maître : Dieu, et tous vous êtes des frères » (Matthieu 23 : 8) ; « Il en aperçut qui se battaient, et il voulut les remettre d'accord. Mes amis, leur dit-il, vous êtes frères, pourquoi vous maltraiter l'un l'autre ? » (Actes 7 : 26) ; « Que votre charité soit sans feinte, détestant le mal. Soyez solidement attachés au bien ; que l'amour fraternel vous lie d'affection entre vous, chacun regardant les autres comme plus méritants » (Romains 12 : 9-10) ; « Persévérez dans l'amour fraternel, tendre et pieux » (Hébreux 13 : 1) ; « Enfin, vous tous, en esprit d'union, dans la compassion, l'amour fraternel, la miséricorde, l'esprit d'humilité, ne rendez pas mal pour mal, insulte pour insulte. Bénissez, au contraire, car c'est à cela que vous avez été appelés, afin d'hériter la bénédiction. » (1 Pierre 3 : 8-9).
La laïcité
Par le fameux « Rendez à César ce qui est à César et à Dieu ce qui est à Dieu » (Matthieu 22 : 21) et par la déclaration de Jésus affirmant, devant Pilate, que son « Royaume n'est pas de ce monde » (Jean 18 : 36), se trouve posé, aux origines du christianisme, le principe de la séparation du politique et du religieux. Ce principe, malgré toutes les interférences et confusions politico-religieuses auxquelles le christianisme donnera lieu ensuite, permettra à l'Etat moderne d'être émancipé de toute tutelle religieuse.
Le 9 décembre 1905, la Chambre des députés votait la loi de Séparation de l'Eglise et de l'Etat.
Bien que des Eglises aient très souvent cherché à conserver leur pouvoir, il est incontestable que le christianisme, comme système symbolique, a contribué à l'émergence de notre laïcité culturelle.
Les droits de l'homme
Il y a un lien entre l'universalisme chrétien et les droits de l'homme tels qu'ils ont été élaborés tout au long de ce siècle et tels qu'ils ont trouvé place dans les grandes déclarations humaines.
La mission chrétienne s'exerce jusqu'au confins de l'univers : « Allez dans le monde entier, proclamez la Bonne Nouvelle à toute la création » (Marc 16 : 15). Elle ne s'adresse pas seulement à un pays mais est destinée à tous les hommes.
Jésus s'intéresse aux souffrances d'une Samaritaine (Jean 4 : 1-42), étrangère et hérétique aux yeux du peuple d'Israël. Il y a dans les évangiles une tension vers l'universel qui s'adresse potentiellement à tous les peuples de la terre : non seulement nul n'est exclu du salut, mais nul n'est exclu de l'appel à participer à la communauté chrétienne et en accueillir la parole.
L'émancipation de la femme
C'est de la voix de Marie, Mère de Jésus, une femme rayonnante de la tendresse de Dieu que s'élevait il y a deux milles ans "le chant inaugural de l'ère chrétienne" : le Magnificat. Plus tard, la mixité naturelle et la diversité de ceux et celles qui ont entouré le Christ témoignent que jamais Jésus ne réduit l'être à son sexe, proposant une réciprocité parfaite entre l'homme et la femme. En ce temps là, l'accès au temple est réservé aux hommes, une femme adultère est lapidée à mort et son amant excusé. Jésus ne condamne pas la femme adultère mais l'invite à ne plus pécher (Jean 8 : 1-11). C'est à une samaritaine, réputée impure de race et de vie, que le Christ révèle pour la première fois sa divinité (Jean 4 : 1-42). Durant les premiers siècles, l'égalité de dignité de l'homme et de la femme est constamment appliquée dans les assemblées chrétiennes. Cela débouchera sur la liberté de mariage où la femme devient libre de cœur. Le libre consentement des époux dans le contexte de sociétés où l'autorité parentale faisait loi et où l'on mariait les jeunes filles sans se soucier le moins du monde de leurs opinions, est une révolution.
L'Eglise a ouvert une soupape de sécurité aux femmes : l'épanouissement de la vie religieuse féminine, des congrégations hospitalières et enseignantes, qui essaimeront sur tous les continents.
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